Israël–Iran : Vers une guerre ouverte ? Lecture géopolitique, juridique et stratégique d’une escalade historique

Par  Savoir Droit

Depuis la mi-juin 2025, les tensions entre l’Iran et Israël ont franchi un cap. Pour la première fois depuis des décennies, les deux puissances s'affrontent ouvertement par des frappes militaires directes, bouleversant les équilibres géopolitiques du Moyen-Orient et interpellant juristes, analystes stratégiques et diplomates.

Savoir Droit a voulu se pencher sur la question et apporter son point de vue et analyse neutres de ce conflit au Moyen Orient. 


Image IA

1. Une chronologie éclair d’une escalade planifiée

Le 12 juin 2025, Israël lance l’Opération appelée Rising Lion, une série de frappes aériennes et de cyberattaques ciblant des infrastructures militaires et nucléaires iraniennes, notamment à Ispahan et Natanz. Cette offensive repose sur une logique de « légitime défense préventive », Israël suspectant l’Iran de franchir un seuil nucléaire imminent.

En retour, l’Iran déclenche, le 13 juin 2025, l’Opération  dite True Promise III, envoyant plus de 150 missiles balistiques et 100 drones contre le territoire israélien. Des victimes civiles sont à déplorer des deux côtés, et des installations pétrolières à Téhéran ont été touchées par la riposte israélienne.

📌 Sources principales : Reuters, AP News, Financial Times.

2. Un conflit enraciné dans l’histoire du droit international

Sur le plan du droit international, plusieurs questions majeures se posent :

  • La légitime défense anticipée est-elle licite ?
    Israël invoque l’article 51 de la Charte des Nations unies pour justifier ses frappes, affirmant vouloir prévenir une menace nucléaire imminente. Toutefois, cette position demeure juridiquement fragile. L’article 51 ne prévoit le recours à la force qu’en cas d’agression armée avérée. 

    Un éclairage est ici nécessaire à travers un encadré pédagogique :

    ⚖️ La légitime défense anticipée trouve son origine dans la doctrine Caroline (1837), qui n’autorise une attaque préventive que si la menace est « instantanée, accablante, ne laissant aucun choix de moyens et aucun moment de délibération ». Or, cette interprétation est largement rejetée par la doctrine dominante et par l’ONU. 

    La jurisprudence internationale (notamment lAvis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ) du 9 juillet 2004 sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé) rappelle que l’emploi unilatéral de la force sans autorisation du Conseil de sécurité constitue une violation du droit international.

    Israël a déjà mobilisé cette approche dans le passé :

    • En 1981, lors de l’opération Opéra, l’armée israélienne bombarde le réacteur nucléaire d’Osirak en Irak, invoquant la prévention d’un risque nucléaire. L’opération est unanimement condamnée par la résolution 487 du Conseil de sécurité.

    • En 2007, une frappe similaire vise un site nucléaire syrien à Deir ez-Zor. Israël ne revendique pas officiellement l’opération, mais celle-ci est présentée a posteriori comme un acte de légitime défense.

    • En 2021, des cyberattaques et opérations clandestines contre l'Iran sont également justifiées par Tel-Aviv au nom de la « sécurité existentielle » de l’État hébreu, bien que le seuil d’imminence n’ait jamais été objectivement démontré.

  • Les représailles iraniennes sont-elles proportionnées ?
    Le lancement massif de missiles iraniens, visant des zones urbaines, soulève des préoccupations graves au regard du droit international humanitaire, notamment en ce qui concerne les principes de distinction et de proportionnalité.

  • Quel rôle pour le Conseil de sécurité ?
    Une réunion d’urgence a été convoquée dès le 14 juin. Mais, comme dans d’autres conflits récents (Ukraine, Syrie), le jeu des vetos bloque toute résolution contraignante.

3. Un tournant stratégique majeur au Moyen-Orient

Trois éléments structurants redessinent les lignes de fracture régionales :

  1. Militarisation technologique accélérée
    Le conflit a vu l’usage massif de missiles hypersoniques, de drones suicides, et d’opérations de cyberguerre. Cela traduit une montée en gamme technologique qui complexifie la désescalade.

  2. Décloisonnement des conflits par procuration
    Alors que les tensions étaient historiquement menées par acteurs interposés (Hezbollah, milices chiites, etc.), l’affrontement direct entre États accentue la gravité du moment stratégique.

  3. Tensions économiques mondiales
    La menace sur le détroit d’Ormuz fait vaciller les marchés : le baril dépasse 120 dollars, et les chaînes logistiques sont perturbées en Asie comme en Europe.

4. Réactions internationales : entre diplomatie impuissante et alignements assumés

Les puissances mondiales ont réagi dans un concert désordonné :

  • Les États-Unis, fidèles alliés d’Israël, soutiennent militairement Tel-Aviv tout en appelant à une « désescalade responsable ».

  • L’Union européenne condamne l’escalade et appelle au retour au dialogue nucléaire de Vienne.

  • La Russie et la Chine, partenaires de l’Iran, dénoncent l’illégalité des frappes israéliennes et bloquent toute résolution défavorable à Téhéran au Conseil de sécurité.

Ces postures révèlent une diplomatie largement impuissante, pour plusieurs raisons :

  1. Paralysie institutionnelle : le jeu des vetos au sein du Conseil de sécurité rend toute action coercitive illusoire.

  2. Éclatement du multilatéralisme : la diplomatie mondiale s’efface derrière des logiques de blocs géopolitiques, souvent conflictuels.

  3. Défiance envers le droit international : les précédents en Syrie, en Irak ou encore en Ukraine ont renforcé l’idée que le droit est appliqué de façon sélective et instrumentalisée.

Les alignements stratégiques s’expliquent aussi par des logiques profondes :

  • Coopérations technologiques (dissuasion antimissile, renseignement, cybersécurité).

  • Intérêts énergétiques croisés, notamment la dépendance asiatique au pétrole iranien.

  • Recherche d’équilibre dans un monde en recomposition post-hégémonique.


Conclusion : L’équilibre par le droit, l’urgence de la diplomatie

Le conflit Iran–Israël de 2025 rappelle brutalement que le droit international n’est fort que de la volonté des États qui y souscrivent. Lorsque les rapports de puissance dominent, le droit se voit relégué au second plan, réduit à un outil rhétorique de justification.

Pourtant, l’histoire enseigne que l’équilibre ne peut être maintenu que par le respect des principes communs. Faute d’un sursaut diplomatique et juridique, la région s’enfonce dans une guerre dont les conséquences dépasseront de loin ses frontières.



À suivre sur Savoir Droit
🔹 Droit comparé : la légitime défense préventive dans les doctrines américaine, israélienne et française
🔹 Le Conseil de sécurité : impasse structurelle ou réforme possible ?
🔹 Cyberguerre et droit humanitaire : la nouvelle frontière des conflits armés

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