LA CLAUSE ATTRIBUTIVE DE JURIDICTION : ANALYSE, ENJEUX ET JURISPRUDENCE

Dans un contexte de globalisation accrue des relations commerciales et des litiges transnationaux, la clause attributive de juridiction occupe une place centrale dans les contrats internationaux. Ce mécanisme juridique permet aux parties de déterminer à l’avance quel tribunal sera compétent en cas de litige. 

Cependant, nonobstant sa popularité, elle soulève de nombreuses interrogations, notamment en ce qui concerne sa validité, ses effets et son application dans la pratique. 

La notion de clause attributive de juridiction est également parfois un casse-tête pour les étudiants en droit. En effet, lorsque nous sommes des néophytes en droit, il n'est pas toujours évident de maîtriser tout de suite des notions techniques, en plus d'apprende un pléthorique de citations latines.

C'est pourquoi, dans cet article, nous essayerons d'apporter quelques éclaircissements sur la notion de clause attributive de juridiction. Mais également, nous mettrons en exergue certaines jurisprudences, afin de permettre aux apprenants en droit d'avoir de la source jurisprudentielle.

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                          Image IA: plage avec des cocotiers aux alentours, un hamac et un code civil


I. DEFINITION ET OBJECTIFS DE LA CLAUSE ATTRIBUTIVE DE JURIDICTION

La clause attributive de juridiction est une disposition contractuelle par laquelle les parties choisissent le tribunal compétent pour régler les différends qui pourraient surgir de l'exécution ou de l'interprétation de leur contrat. La clause attributive de juridiction, appelée aussi convention d’élection de for, est l’acte par lequel les parties – généralement à un contrat dit principal, comme une vente ou un contrat de services – attribuent à un tribunal donné, ou globalement aux tribunaux d’un pays donné, une compétence dont il est en principe dépourvu.

Elle s'oppose à la compétence dite « naturelle », qui repose sur des critères géographiques ou matériels définis par la loi.

Les objectifs de cette clause sont multiples et peuvent se classer comme suits :

  1. Sécurité juridique : en désignant à l’avance le tribunal compétent, les parties s'épargnent des incertitudes quant à la compétence territoriale des juridictions en cas de litige.
  2. Prévisibilité : la clause attributive de juridiction permet aux parties de savoir à quel droit elles seront soumises et devant quelle juridiction elles devront se défendre.
  3. Optimisation des coûts et des délais : en optant pour une juridiction spécifique, les parties peuvent choisir une juridiction réputée pour sa rapidité ou sa spécialisation dans certaines matières (comme la propriété intellectuelle ou les contrats commerciaux).

II. VALIDITE DE LA CLAUSE ATTRIUTIVE DE JURIDICTION

Pour qu'une clause attributive de juridiction soit valide, plusieurs conditions doivent être remplies, notamment :

  • Le caractère exprès : la clause doit être acceptée de manière claire par les deux parties. L’article 25 du Règlement Bruxelles I bis (Règlement n°1215/2012) exige que la clause soit conclue par écrit ou sous une forme permettant d’établir son acceptation de manière certaine. Ledit article 25 dispose : "Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties".
  • La licéité : la clause doit respecter l'ordre public et ne pas priver l'une des parties d'un droit fondamental, comme le droit à un procès équitable.
  • L'internationalité du contrat : la clause attributive de juridiction est généralement insérée dans des contrats internationaux ou transnationaux, mais elle peut également s'appliquer dans certains contrats purement internes si cela est spécifié dans le contrat.

III. LES EFFETS DE LA CLAUSE ATTRIBUTIVE DE JURIDICTION

Une fois validée, la clause attributive de juridiction produit plusieurs effets :

  1. Effet exclusif : ce qui signifie que le tribunal désigné est le seul compétent pour trancher les litiges entre les parties. Les autres juridictions doivent se déclarer incompétentes, sauf exceptions.
  2. Effet dilatoire : la clause peut également retarder une action judiciaire si elle n’a pas été respectée, car la juridiction saisie à tort pourrait surseoir à statuer en attendant la décision du tribunal compétent.

IV. LES JURISPRUDENCES RELATIVES A LA CLAUSE ATTRIBUTIVE DE JURISPRUDENCE

Dans cette partie, nous essaierons de faire un tour de jurisprudence. En effet, au lieu de se contenter uniquement de la jurisprudence européenne, nous nous sommes également interesser à la jurisprudence Africaine, Americaine et Asiatique. 

Etant donné que la notion de clause attributive de juridiction est une notion qui figure en droit international ou en commerce internatial (dans les échanges internationaux), nous avons juger opportun d'évoquer la position des différents juges sur les quatre continents, quoique le système judiciaire peut être différent (système romano-germanique et le système anglosaxon). 

Il s'agit pour nous donc de présenter au lecteur une variante de la jurisprudence sur la question de la clause attributive de juridiction en fonction de la region du monde. Mais également, comme nous l'avons souligné plus haut, il sagit de permettre aux apprenant d'avoir des sources juridiques à leur portée pour les devoirs de maison ou autres.

1. La jurisprudence européenne : arrêt "Owusu c. Jackson"

L’arrêt Owusu c. Jackson (CJCE, 1er mars 2005, aff. C-281/02) est une décision phare dans l’application des clauses attributives de juridiction au sein de l’Union européenne. 

Dans cet arrêt, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a statué que lorsqu’une clause attributive de juridiction désigne un tribunal d’un État membre, ce tribunal ne peut pas se déclarer incompétent au profit d’une juridiction d’un État tiers, même si cette dernière paraît plus appropriée pour trancher le litige. Cette décision renforce l’effet contraignant des clauses attributives de juridiction au sein de l’espace judiciaire européen.


2. La jurisprudence française : arrêt "Cornelissen"

L’arrêt Cornelissen (Cass. Civ. 1ère, 20 février 2007, n°05-17.490) est également crucial dans la jurisprudence française relative aux clauses attributives de juridiction. Dans cette affaire, la Cour de cassation a rappelé que la clause attributive de juridiction doit respecter certaines conditions de validité pour être opposable. 

En l'espèce, la clause n'était pas suffisamment précise quant au tribunal désigné, ce qui a conduit la Cour à juger la clause inopposable et à appliquer les règles de compétence de droit commun. Cet arrêt montre l’importance de la clarté dans la rédaction des clauses attributives de juridiction.


3. La jurisprudence américaine : arrêt "The Bremen v. Zapata Off-Shore Co."

Dans l’affaire The Bremen v. Zapata Off-Shore Co. (US Supreme Court, 1972), la Cour suprême des États-Unis a reconnu la validité des clauses attributives de juridiction, affirmant que celles-ci devraient être respectées à moins qu’elles ne soient déraisonnables ou injustes. 

Cet arrêt est souvent cité comme une étape importante dans la reconnaissance et l’application des clauses attributives de juridiction aux États-Unis, malgré les divergences possibles avec les systèmes européens.


4. Jurisprudence de Hong Kong : "Shanghai Turbine Co Ltd v. Royal Bank of Scotland" (2011)

Hong Kong, en tant que place financière internationale, est un des centres juridiques majeurs pour les litiges commerciaux en Asie. La jurisprudence de Hong Kong en matière de clause attributive de juridiction s’inspire largement des traditions de common law, tout en étant influencée par les besoins spécifiques des transactions transnationales.

Dans l’affaire "Shanghai Turbine Co Ltd v. Royal Bank of Scotland" (2011 HKCFA 48), la Cour d’appel de Hong Kong a réaffirmé la validité d’une clause attributive de juridiction stipulant que les litiges entre une entreprise chinoise et une banque britannique seraient portés devant les tribunaux de Hong Kong.

Cet arrêt est important, car la Cour a précisé que :

  • La clause attributive de juridiction devait être interprétée de manière stricte, et les tribunaux de Hong Kong ne pouvaient décliner leur compétence au profit d’une autre juridiction, même si celle-ci apparaissait comme un meilleur forum (« forum non conveniens »).
  • La Cour a également insisté sur la bonne foi des parties lors de l’insertion de ces clauses dans les contrats, rappelant que si l’une des parties est manifestement désavantagée par la clause, elle peut être invalidée.

Cette décision montre l’importance accordée à la stabilité et à la prévisibilité dans les contrats internationaux à Hong Kong, tout en soulignant l'équilibre nécessaire entre le respect des clauses contractuelles et la protection des parties plus vulnérables.


5. Jurisprudence de Singapour : "Vitol Asia Pte Ltd v. Hew Keh Chong" (2016)

Singapour, autre place financière asiatique, suit une approche similaire à celle de Hong Kong. Dans l'affaire "Vitol Asia Pte Ltd v. Hew Keh Chong" (2016 SGHC 249), la Haute Cour de Singapour a examiné la validité d'une clause attributive de juridiction désignant un tribunal étranger pour régler un litige commercial.

Le point clé de cet arrêt est que la Cour a rappelé que pour qu'une clause attributive de juridiction soit effective, il doit y avoir un lien raisonnable entre la juridiction choisie et les parties ou le litige. Singapour, en tant que juridiction de common law, continue à reconnaître et à appliquer ces clauses sous réserve que leur choix soit justifié et non abusif.


6. Jurisprudence marocaine : "Banque Populaire c. Société Ciments de l'Oriental" (2015)

Le Maroc est l’un des pays africains où la jurisprudence en matière de clauses attributives de juridiction s’est le plus développée. Le pays, grâce à sa tradition de droit mixte (influencé à la fois par le droit français et par le droit islamique), a progressivement développé une pratique contractuelle complexe, notamment dans le domaine des transactions commerciales.

Dans l'affaire Banque Populaire c. Société Ciments de l'Oriental (2015), la Cour de cassation marocaine a confirmé la validité d'une clause attribuant compétence aux tribunaux français dans un contrat entre une banque marocaine et une société marocaine opérant à l'international.

La Cour a mis en avant les critères suivants pour valider la clause :

  • Consentement exprès et non vicié des parties : la clause doit être clairement acceptée par les deux parties sans contrainte ou abus.
  • Respect de l'ordre public marocain : la Cour a vérifié que la clause ne contrevenait pas aux règles d’ordre public marocaines, notamment en matière de protection des parties les plus faibles.

Cet arrêt est un exemple de la volonté des juridictions marocaines de favoriser la liberté contractuelle, tout en maintenant une surveillance stricte quant au respect de l’ordre public national.


7. Jurisprudence sud-africaine : "Peregrine Securities Ltd v. BJB (2010)

En Afrique du Sud, la jurisprudence sur la clause attributive de juridiction a également suivi un développement intéressant. Dans l’affaire Peregrine Securities Ltd v. BJB (2010 ZASCA 154), la Cour suprême d’appel sud-africaine a confirmé la validité d’une clause désignant une juridiction étrangère dans un contrat de services financiers.

Le tribunal a réaffirmé plusieurs principes essentiels :

  • La liberté contractuelle est la règle, et les clauses attributives de juridiction ne peuvent être invalidées qu’en cas de fraude, d'abus ou d'injustice manifeste.
  • Cependant, la Cour a également rappelé que, conformément à la tradition du droit sud-africain (qui combine droit romano-germanique et common law), les clauses peuvent être déclarées inopposables si elles créent une inégalité manifeste entre les parties.

Cette affaire est un bon exemple de l'attitude équilibrée des tribunaux sud-africains envers les clauses de juridiction, cherchant à protéger à la fois la liberté contractuelle et l’équité entre les parties.


V. LES LIMITES ET CONTROVERSES

Malgré ses avantages, la clause attributive de juridiction n’est pas exempte de critiques :

  • Le déséquilibre entre les parties : souvent, dans les contrats d’adhésion ou les contrats conclus entre une partie forte et une partie faible, la clause peut être perçue comme une imposition d’une juridiction favorable à la partie dominante. Les tribunaux peuvent alors examiner si la clause n’est pas abusive.
  • Les litiges impliquant les consommateurs : en matière de consommation, les clauses attributives de juridiction sont souvent encadrées strictement, afin de protéger le consommateur en tant que partie plus faible. Le Règlement Bruxelles I bis exclut la possibilité d’une telle clause dans les contrats de consommation, sauf exceptions très strictes.

CONCLUSION

La clause attributive de juridiction est un outil précieux dans la gestion des litiges internationaux, offrant aux parties une grande liberté dans le choix de la juridiction. Cependant, elle doit être utilisée avec prudence et rédigée de manière précise pour éviter tout litige sur sa validité. Les récentes jurisprudences, qu’elles soient européennes, françaises ou américaines, montrent une volonté des juges d’assurer un équilibre entre la liberté contractuelle et la protection des parties plus vulnérables, tout en garantissant l’efficacité et la prévisibilité des procédures judiciaires.

Pour les praticiens du droit et les entreprises, il est essentiel de bien comprendre les implications de ces clauses et de suivre les évolutions jurisprudentielles afin de sécuriser leurs relations contractuelles dans un environnement international.

Si vous voulez en savoir plus, contactez-nous sur savoirdroit@gmail.com.


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